Peut-etre un peu long mais tres interessant...
Irresponsabilité politique, par Jean-Louis Bianco et Bruno Rebelle
LE MONDE | 07.08.07 | 13h59
Bien sûr, on peut souligner l'intérêt de la reprise de relations diplomatiques et commerciales avec le gouvernement de Mouammar Kadhafi. On aurait même souhaité que cette évolution contribue à pacifier la situation au Proche-Orient.
Cependant, le trouble est réel. Le 31 juillet, Bernard Kouchner, chargé - théoriquement au moins - de la conduite de la politique étrangère de la France, était auditionné par la commission de l'Assemblée nationale. Nous espérions qu'à cette occasion des clarifications seraient données, en particulier sur le très discutable"mémorandum d'entente sur la coopération dans le domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire".
Mais, après les explications pour le moins embrouillées du chef de la diplomatie, le trouble persiste. L'inquiétude grandit encore avec les déclarations de Saïf Al-Islam Kadhafi, fils du colonel, qui précise que le "coeur du sujet" entre Paris et Tripoli n'est pas ce projet nucléaire, mais une affaire "militaire" évoquant même ventes d'armes et usine d'armement. Il est inacceptable que le ministre des affaires étrangères ait omis d'informer les parlementaires de cette composante, pour le moins inquiétante, des termes de l'accord qui a accéléré la libération des otages du régime Kadhafi.
Nous ne pouvons accepter, que pour assurer un nouveau "coup d'éclat médiatique" du président Sarkozy, le gouvernement français propose à la Libye de Kadhafi une nouvelle aventure nucléaire. Ce choix est géopolitiquement irresponsable et énergétiquement inutile. Le gouvernement a oublié que les expériences de coopération nucléaire dite "civile" se sont, jusqu'à maintenant et dans leur majorité, terminées, soit par la mise au point de l'arme atomique par les bénéficiaires de ces coopérations (Inde, Pakistan), soit par des crises diplomatiques majeures (Iran, Corée du Nord), soit par la guerre (Irak).
Au moment où la tension au Proche-Orient atteint de nouveaux paroxysmes, le renforcement de l'équipement militaire de la Libye et la menace du développement de l'arme atomique chez un des partenaires du monde arabe ne fera qu'aggraver ces tensions. Les efforts des pays du Golfe qui, à la fin de l'année 2005, s'engageaient pour promouvoir une région libre de toute menace nucléaire sont, de facto, anéantis.
Comme le sont les initiatives de la société civile et de certains diplomates courageux qui tentent de convaincre Israël de renoncer à l'arme atomique. Ce mémorandum est d'autant plus iconoclaste que nul ne peut ignorer qu'il a fallu plus de dix ans pour obtenir du colonel Kadhafi qu'il abandonne ses projets de développement d'armes non conventionnelles et qu'il cesse de soutenir les activités terroristes qui ont coûté la vie à de trop nombreux civils, notamment français...
Nicolas Sarkozy nous dit que l'on ne peut refuser aux pays du sud de la Méditerranée une technologie dont ils auraient besoin. Mais chacun sait que certaines technologies sont plus sensibles et plus dangereuses que d'autres. La question n'est pas de priver la Libye d'énergie ou d'eau potable. Une coopération responsable devrait, en aidant ce pays à couvrir ses besoins, écarter le risque d'un nouveau dérapage militaire et nucléaire qui handicapera les efforts de paix, si nécessaires dans cette région du monde.
La finalité de cette coopération est d'autant plus discutable que l'argument énergétique avancé est totalement inepte. La Libye, à l'inverse de certains pays de la région, n'a pas particulièrement besoin d'usines de dessalement. Le pays pompe depuis toujours dans une nappe phréatique profonde, qui suffira largement à couvrir ses besoins si les autorités en assurent une gestion rigoureuse. Le recours au dessalement d'eau de mer, s'il devient nécessaire, ne le sera qu'en complément très accessoire de la ressource actuellement exploitée. Il n'y a donc sur ce sujet aucune urgence.
Par ailleurs, l'utilisation d'eau de mer, ressource abondante et gratuite, nécessite de l'énergie... et la Libye n'en manque pas. Elle est riche en pétrole et en gaz. Il est vrai cependant qu'il faut limiter la consommation de ces combustibles fossiles pour lutter contre le changement climatique. La recherche d'alternative est donc louable, si tant est qu'elle permet de répondre à des besoins réels et non supposés.
On estime qu'il faut 4 kWh d'électricité pour produire 1 m3 d'eau douce. Avec une population de 5,5 millions d'habitants, la Libye aurait donc besoin d'environ 1 million de MWh d'électricité par an pour couvrir la totalité de ses besoins en eau douce si ces besoins étaient assurés à 100 % par une usine de dessalement... Cette quantité d'électricité représente moins de 10 % de la production permise par une centrale nucléaire de type EPR que la France s'efforce de vouloir exporter à n'importe quel prix.
Ce fameux "mémorandum d'entente" veut donc répondre à un besoin quasi inexistant avec une solution totalement inappropriée ! A qui profite vraiment ce marché de dupes ? D'autant que la Libye, comme tous les pays de la région, possède une autre ressource énergétique illimitée, renouvelable et gratuite : le soleil ! Il serait bien plus prometteur, dans le cadre d'un accord de partenariat scientifique et technique, de développer des unités de dessalement en valorisant l'énergie solaire suivant les technologies déjà mises au point en Israël et en Espagne. Une seule de ces centrales permettrait de fournir l'eau potable pour toute la population libyenne.
L'industrialisation de cette technologie serait une chance pour la Libye, sécurisant ainsi ses besoins, pour la France, développant ce savoir-faire, et pour le reste du monde, bénéficiant ainsi d'une technologie renouvelable très prometteuse... Car, en dépit des déclarations de Claude Guéant (les participants au Grenelle de l'environnement apprécieront), le nucléaire n'est pas une énergie renouvelable... Et force est de constater qu'il est à peu près certain que l'on ne fera pas la guerre pour contrôler le soleil !
Il serait grand temps que la diplomatie française, qui devrait avant toute chose être au service de la paix et du développement durable, prenne le dessus sur le spectacle.
Jean-Louis Bianco, député PS des Alpes-de-Haute-Provence et ancien codirecteur de campagne de Ségolène Royal
Bruno Rebelle, ancien conseiller de Ségolène Royal
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Cessez de vouloir "sauver" l'Afrique !
LE MONDE | 28.07.07 | 13h49
A l'automne 2006, peu après mon retour du Nigeria, je fus interpellé par une blonde et guillerette étudiante dont les yeux bleus paraissaient assortis aux perles du bracelet "africain" qu'elle portait au poignet. "Sauvez le Darfour !", criait-elle derrière une table couverte de brochures exhortant les étudiants à "agir tout de suite !", à "arrêter le génocide au Darfour !". Mon aversion à l'égard de ces étudiants qui s'impliquent à corps perdu dans des causes à la mode faillit me faire tourner les talons, mais le cri qu'elle jeta ensuite m'immobilisa.
"Vous ne voulez donc pas nous aider à sauver l'Afrique ?", hurla-t-elle. Il semblerait que depuis quelque temps, rongé de culpabilité par la crise humanitaire qu'il a provoquée au Moyen-Orient, l'Occident se tourne vers l'Afrique pour y chercher la rédemption. Des étudiants idéalistes, des célébrités comme Bob Geldof et des politiciens comme Tony Blair se sont fixé pour mission d'apporter la lumière au continent noir. Ils arrivent en avion pour effectuer un internat ou participer à une mission d'enquête, ou encore pour adopter un enfant, un peu comme mes amis et moi, à New York, prenons le métro pour aller adopter un chien abandonné à la fourrière.
C'est la nouvelle image que veut se donner l'Occident : une génération sexy et politiquement active dont la méthode préférée pour faire passer son message est de publier de pleines pages de magazines avec des célébrités au premier plan et de pauvres Africains déshérités derrière. Et tant pis si bien souvent les stars dépêchées pour secourir les indigènes ont un air délibérément aussi émacié que ceux qu'elles veulent aider.
Mais ce qui est peut-être plus intéressant encore, c'est le langage employé pour décrire l'Afrique que l'on entend sauver. Par exemple, la campagne lancée par l'association Save the Children, intitulée "I am African", présente des portraits de célébrités occidentales majoritairement blanches avec des "marques tribales" peintes sur le visage au-dessus du slogan I am African imprimé en grosses capitales. Dessous, en lettres plus petites, apparaît la phrase : "Aidez-nous à arrêter l'hécatombe."
Même bien intentionnées, ces campagnes propagent le stéréotype d'une Afrique qui serait un trou noir de maladie et de mort. Articles et reportages ne cessent d'évoquer les dirigeants africains corrompus, les seigneurs de guerre, les conflits "tribaux", les enfants exploités, les femmes maltraitées et victimes de mutilation génitale. Ces descriptions apparaissent sous des titres tels que "Bono peut-il sauver l'Afrique ?" ou "Les Brangelina parviendront-ils à sauver l'Afrique ?" La relation entre l'Afrique et l'Occident n'est plus fondée sur des préjugés ouvertement racistes, mais de tels articles rappellent les beaux jours du colonialisme européen, quand on envoyait des missionnaires en Afrique pour nous apporter l'éducation, Jésus-Christ et la "civilisation".
Tout Africain, moi compris, ne peut que se réjouir de l'aide que nous apporte le monde, mais cela ne nous empêche pas de nous demander si cette aide est vraiment sincère ou si elle est faite dans l'idée d'affirmer sa supériorité culturelle. Je ressens toujours un certain malaise lorsque, dans une soirée caritative, l'organisateur récite une litanie de désastres africains avant de faire monter sur scène une personne (généralement) riche et blanche qui s'empresse d'exposer ce qu'il ou elle a fait pour les pauvres Africains affamés.
Chaque fois qu'une étudiante pourtant sincère évoque les villageois qui ont dansé pour la remercier de son aide, je fais la grimace. Chaque fois qu'un réalisateur hollywoodien tourne un film sur l'Afrique dont le héros est occidental, je secoue la tête - parce que les Africains, alors que nous sommes des personnes bien réelles, ne font que servir de faire-valoir à l'image fantasmée qu'a l'Occident de lui-même. Et non seulement de telles descriptions ont tendance à ignorer le rôle parfois essentiel qu'a joué l'Occident dans la genèse de nombreuses situations déplorables dont souffre le continent, mais elles ignorent également le travail incroyable qu'ont accompli et que continuent à accomplir les Africains eux-mêmes pour résoudre ces problèmes.
Pourquoi les médias persistent-ils à dire que les pays africains se sont vu "accorder l'indépendance par leurs anciens maîtres coloniaux", et non qu'ils ont combattu et versé leur sang pour obtenir leur liberté ? Pourquoi Angelina Jolie et Bono bénéficient-ils de toute l'attention médiatique pour leur travail en Afrique alors que Nwankwo Kanu ou Dikembe Mutombo, tous deux africains, ne sont pratiquement jamais mentionnés ? Comment se fait-il que l'on s'intéresse plus aux bouffonneries de cow-boy auxquelles se livre un ancien diplomate américain de second rang au Soudan qu'aux nombreux pays africains qui y ont envoyé troupes et vivres et ont consacré d'interminables heures à négocier un règlement entre toutes les parties impliquées dans cette crise ?
Il y a deux ans, j'ai travaillé dans un camp de personnes déplacées au Nigeria, les survivants d'un soulèvement qui avait entraîné la mort de 1 000 personnes et le déplacement de 200 000 autres. Fidèles à leur habitude, les médias occidentaux parlèrent longuement des violences, mais pas du travail humanitaire que les autorités locales et nationales accomplirent - avec très peu d'aide internationale - en faveur des survivants. Des travailleurs sociaux ont consacré leur temps et, dans de nombreux cas, donné leur propre salaire afin de venir en aide à leurs compatriotes. Ce sont eux qui sauvent l'Afrique, et, de même que pour beaucoup d'autres à travers le continent, leur travail ne trouve aucun crédit à l'extérieur.
Le mois dernier, le groupe des huit pays les plus industrialisés s'est réuni en Allemagne avec une brochette de célébrités afin de discuter, entre autres sujets, de la façon de sauver l'Afrique. J'espère qu'avant le prochain sommet du G8 le monde aura enfin compris que l'Afrique ne veut pas être sauvée. L'Afrique veut que le monde reconnaisse qu'au travers de partenariats équitables avec d'autres membres de la communauté internationale elle sera elle-même capable d'une croissance sans précédent.
Traduit de l'anglais par Gilles Berton
© 2007
Uzodinma Iweala est écrivain nigérian
This blog was born from a very simple question: "How much do I want to annoy people by sending emails about general stuff they might not be bothered with?". The answer being "Not much" I thought it would be better to just put all these things “somewhere” and tell people where to look if they want to. So here is “somewhere”: a dump of things I like, things that I find interesting, funny, shocking. Pretty much anything. Comments are welcome, whether in English or en Francais!
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